Norton Sport-Club Genève

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31

Les fruits de la persévérance

 

Daniel Lanz

 

De tous ceux qui un jour ont rêvé de devenir pilote de course, rares sont ceux qui en définitive réunissent suffisamment de qualités pour franchir tous les obstacles qui se dressent sur leur chemin. Parmi les dizaines qui se sont lancés dans l’aventure, ils sont une poignée à avoir en fin de compte fait preuve de suffisamment d’obstination pour accéder à une certaine élite et surtout à s’y maintenir plus d’une ou deux saisons.

 

 

Le Norton a vu ainsi défiler bon nombre de pilotes, certains talentueux, mais qui n’ont fait qu’un passage très éphémère dans le monde des courses. Il ne suffit pas, en effet, de posséder un certain sens de la conduite pour devenir un champion, comme le pensent naïvement bien des jeunes, encore faut-il beaucoup de persévérance et consentir à d’importants sacrifices pour franchir patiemment les divers échelons qui conduisent au succès.

 Daniel Lanz

Daniel Lanz, peut-être parce qu’au départ, il n’a pas d’ambitions démesurées mais une passion véritable pour la mécanique et les courses, est un de ceux qui font exception à cette réalité de l’échec.

 

En 1978, ses débuts, sur une Suzuki 250 qu’il croit, un peu naïvement, pouvoir rendre performante par des modifications de son cru, ne lui amènent que des frustrations. A toutes les courses auxquelles il s’inscrit, il se heurte à des problèmes techniques qui le conduisent à un abandon sur l’autre; qu’il change le système d’allumage, c’est la carburation qui ne suit pas et lorsque la carburation semble enfin satisfaisante, c’est l’allumage qui défaille. Dur apprentissage que celui de la course !

Daniel Lanz 

A la fin de la saison, faisant le bilan, il se décide à acheter une véritable moto de course et il opte pour une Yamaha TZ qui, moyennant quelques modifications, lui permet de disputer le championnat suisse débutants. Sa carrière peut enfin débuter et, au Lédenon, il découvre, enfin, le plaisir de la conduite en course et quelques semaines plus tard, c’est à Karland qu’il peut savourer sa première victoire. Il est vrai, qu’il a fait les choses sérieusement et qu’il a passé la semaine qui précède à affiner sa technique de course, conseillé par Jean-Pierre Naudon. Au terme de cette année 1979, il est vice-champion suisse et c’est l’apprentissage de la catégorie nationale qu’il doit maintenant affronter, toujours avec la Yamaha.

 

Après un début de saison prometteur puisque tout commence par une victoire au Lédenon, les chutes et les casses se succèdent à nouveau et le doute s’installe. Néanmoins, Daniel est de ceux qui savent tirer parti des échecs et avant même la fin de la saison, il sait qu’il repartira, mais cette fois, avec une machine qu’il aura préparée lui-même. C’est pourquoi, il acquiert un moteur Rotax et opte pour un cadre Egli afin de construire, histoire de ne pas faire comme tout le monde, un prototype. Il y a dans ce choix un défi, un attrait pour l’inconnu qui ont de quoi satisfaire son intérêt pour la mécanique.

 

Alors que Jacques Cornu, qui a opté pour le même défi, renonce très vite pour revenir à la Yamaha, Daniel s’obstine. Il est persuadé qu’au bout du compte, il aura une machine très performante. Mais que de travail ! Avec Claude Hauser, ils passent des nuits, avant et après chaque course à corriger les défauts, à traquer le détail, à rechercher des solutions. Toute l’année 1981 y passe, sans résultats marquants, mais beaucoup de promesses.

 

Promesses qui sont tenues en 1982. C’est l’année faste. Marco Gentile et Daniel Lanz, tout au long de la saison se disputent les victoires. Aucune ne leur échappe dans la course au titre national, mais plus régulier, c’est Jean-Claude Demierre qui finalement le décroche. Peu importe ! Tout le plaisir de la course est revenu, doublé de l’intense satisfaction d’avoir mis au point, avec Claude Hauser, une moto rapide et fiable. Et puis, il y a les premières expériences des circuits internationaux qui incitent à se lancer au niveau supérieur, à franchir les frontières.

 Daniel Lanz

Mais cela signifie qu’il y a un nouvel échelon à escalader, un nouveau défi à relever. Et les galères recommencent, en effet. La concurrence est beaucoup plus rude. Tout est à reprendre sur l’Egli-Rotax parce que de nouveaux moteurs ont été mis sur le marché, que la dimension des roues, la largeur des jantes, la qualité des pneus ont changé. Il faut de plus s’adapter à des circuits très différents qui demandent chaque fois des réglages spécifiques. Nogaro, Chimay, Assen, Mugello; une fois encore, les casses et les chutes sont au rendez-vous. A Donington, Daniel connaît sa première chute vraiment violente. Il faut s’accrocher pour continuer.

 

Les quelques manches du Championnat d’Europe permettent d’évaluer tout le chemin qu’il faut encore parcourir tant au niveau de la conduite qu’à celui de la mécanique. Et précisément, malgré toutes les modifications qui lui ont été apportées, l’Egli-Rotax commence à manifester des signes de vieillissement. Il est peut-être temps de relever un nouveau défi.

 

Les moyens manquent pour acheter une moto plus récente. Profitant du nouveau règlement qui n’autorise plus qu’un seul cylindre pour la catégorie 125, Daniel se décide en 1986 à passer dans une catégorie où les chances paraissent moins inégales. Yamaha, Honda ? Trop facile ! Où serait le challenge ? Ce sera donc à nouveau un moteur Rotax et pour le cadre, le choix se porte sur un monocoque LCR. On repart à zéro.

 

Il ne faudra cette fois qu’une année pour amener la moto à un niveau de performance satisfaisant. C’est le moment de tenter sa chance dans le Championnat d’Europe et pourquoi pas en grands prix. C’est le moment ou jamais. Même s’il ne franchit qu’une seule fois l’obstacle des qualifications d’une manche du Championnat du Monde, au Castellet, la possibilité de se mesurer à l’élite mondiale est intéressante et riche d’expérience.

 

Et puis, vient la saison 89. Après trois manches du Championnat suisse, Daniel se retrouve en tête. Lui qui n’a jusque-là jamais couru après un titre, suit les conseils de Dédé Stouder: “Ne fais pas comme moi. J’ai toujours regretté de n’avoir pas obtenu un titre national alors qu’il était à ma portée. Ne fais pas la même erreur!”. Dès lors, il se concentre sur le Championnat national, accumule les victoires et devance au décompte final Oliver Petrucciani. Daniel, titre en poche, peut revenir plus sérieusement aux courses européennes.

 

Accompagné pour la deuxième année par Olivier Thierrin, le mécanicien qu’il a formé, il parcourt l’Europe. Il pilote une Cobas qu’il a équipée du moteur Rotax auquel il veut rester fidèle. La concurrence est redoutable et chaque course donne lieu à une lutte de chaque instant. Daniel est dans le coup. A Assen, à Hockenheim, à Salzburg, il finit dans les dix premiers, se classant en fin de saison 15e.

 

1989 et 1990 constituent l’apothéose d’une carrière qui a duré douze années et qui s’est construite par à-coups mais avec une constance sans failles.

 

Entre-temps, Evelyne lui a donné une fille, Allyson, puis un fils, Adrien. Après sa saison européenne, il garde sa licence et participe épisodiquement aux courses, pour le plaisir. Il n’accorde plus une priorité absolue à la compétition mais au fond de sa personnalité persiste, en demi-sommeil, à la manière d’un volcan, ce besoin difficilement explicable du combat, du combat avec la piste, du combat avec la moto, avec les autres pilotes, ce besoin qui durant toute sa carrière, au moment des courses, a métamorphosé le garçon calme, réfléchi, discret, presque effacé en un concentré de froide agressivité.

 

Roudy Grob

Tiré de « Un demi siècle d’histoires »

Norton Sport Club Genève ; 1999

 

Hommage à Daniel Lanz 4 février 2010

Il est parfois des temps difficiles, des jours où rien ne peut changer cette impression de lourdeur, d’oppression même, une journée comme aujourd’hui par exemple. Ce n’est pas la pluie, ce n’est pas le froid, simplement le vide qu’un ami laisse en partant pour un dernier voyage, pour Sa dernière course. Lui qui gagnait, a perdu la dernière contre le cancer. Il fait froid ce soir, dans nos cœur le souvenir de toi restera à jamais gravé. Daniel j’ai tant appris de toi, tu m’as tellement offert ; ta gentillesse, ce regard bienveillant que tu avais lorsque ; « bleusaille » je me lançais pour la première fois sur un circuit. Tu m’as offert ta roue afin que je puisse suivre humblement la voie du maître. Jamais tu n’as pris la grosse tête, simple, humble, tu donnais l’exemple d’un très grand champion. Dans ton atelier, dans ce royaume que tu aimais, tu devenais architecte de tes records, patient et méthodique, tu trouvais solution à tout. Etre devant, ne rien lâcher et persévérer jusqu’au dernier tour, jusqu’à cette ligne blanche, jusqu’au tombé du drapeau à damier, ta vie tu l’as menée en aimant tes enfants, ta famille et tes amis. Ils sont maintenant orphelins de toi, loin des yeux mais pas du cœur Daniel. Ton sourire et ce regard si doux resteront à jamais dans nos cœurs meurtris. Ce combat impossible, tu ne pouvais le gagner, mais tu as montré à tous le courage qui t’habitais, et cette volonté d’aller jusqu’au bout des choses. Trouve dans ces quelques mots toute ma gratitude et mon amitié. Fait bon voyage mon ami, et que là où tu te rends, je souhaite qu’il y ait des pistes infinies, des courbes longues pour que tu puisses Lui faire partager ta passion. Jean-Marc